Abolition 2000 – Réseau mondial pour éliminer les armes nucléaires

New York, le 23 juin

Hier, aux Nations Unies, l’Association Internationale des Juristes contre les Armes Nucléaires (IALANA) a lancé une Lettre des juristes sur l’abolition des armes nucléaires dans le cadre des négociations de l’ONU sur un traité d’interdiction des armes nucléaires.

Plus de 400 juristes, professeurs de droit, procureurs, juges, étudiants en droit et autres professionnels du droit ont signé la lettre, notamment Rt Hon Geoffrey Palmer (ancien Premier Ministre de la Nouvelle Zélande et Juge ad hoc à la Cour internationale de Justice), Prof Herta Däubler-Gmelin (ancienne Ministre de la Justice d’Allemagne), Richard Falk (Professeur émérite de droit international à l’Université de Princeton et Vice-président principal de Nuclear Age Peace Foundation), Phon van den Biesen (Conseiller auprès de la Cour internationale de Justice dans l’affaire du génocide en Bosnie et dans les affaires du désarmement nucléaire des îles Marshall), Peter Weiss (expert en droit constitutionnel et pionnier du principe de compétence universelle pour les crimes internationaux), Prof Emilie Gaillard (Expert en droit français sur les droits des générations futures) et Hon Matt Robson (ancien Ministre des tribunaux et ancien Ministre du désarmement et du contrôle des armes en Nouvelle Zélande).

Cette lettre se félicite des négociations de l’ONU, souligne l’illégalité actuelle de la menace et de l’utilisation des armes nucléaires en vertu du droit international général, déplore le fait que les Etats dotés d’armes nucléaires refusent de reconnaître cette illégalité, et soutient sa codification dans un accord d’interdiction multilatéral.

John Burroughs présentant la lettre des juristes sur l’abolition nucléaire aux Nations Unies

John Burroughs présentant la lettre des juristes sur l’abolition nucléaire aux Nations Unies

Les Etats dotés d’armes nucléaires et leurs alliés les plus proches ont refusé de participer aux négociations et ne ratifieront certainement pas le traité. Toutefois, la lettre remarque que malgré cela, « L’effort en faveur d’un traité constitue néanmoins une preuve importante pour l’existence des normes contre les armes nucléaires. ». De plus, l’adoption et la mise en œuvre du traité « s’agira d’une étape majeure en vue des négociations d’un accord sur la réalisation et le maintien d’un monde sans armes nucléaires ».

La lettre des juristes réaffirme les points clés soulevés par IALANA aux négociations de l’ONU, notamment à travers d’interventions et de documents de travail (Voir A/CONF.229/2017/NGO/WP.12 Selected Elements of a Treaty Prohibiting Nuclear Weapons, Submitted by International Association of Lawyers Against Nuclear Arms ; A/CONF.229/2017/NGO/WP.13 Withdrawal Clauses in Arms Control Treaties: Some Reflections about a Future Treaty Prohibiting Nuclear Weapons, Submitted by International Association of Lawyers Against Nuclear Arms (IALANA); A/CONF.229/2017/NGO/WP.37 Prohibitions and the Preamble: Further Comments. Submitted by International Association of Lawyers Against Nuclear Arms et A/CONF.229/2017/NGO/WP.38 Nuclear-Armed States, Positive Obligations, Institutional Issues, and Final Clauses: Further Comments. Submitted by International Association of Lawyers Against Nuclear Arms).

John Burroughs, directeur exécutif du Comité des juristes sur la politique nucléaire (bureau de l’ONU d’IALANA), a remarqué au lancement de la lettre que la question d’inclure ou non une interdiction de la menace d’utiliser des armes nucléaires reste un sujet controversé dans les négociations sur un traité sur l’interdiction nucléaire. Il a déclaré que:

« …si les lois existantes s’appliquent aux menaces en toutes circonstances – agression, légitime défense, opérations particulières et situations pendant un conflit armé – leur application est compliquée et n’est énoncée ni clairement ni entièrement dans la Charte de l’ONU et les traités de DIH. L’ajout d’une interdiction de la menace d’utiliser des armes nucléaires dans la convention permettrait d’apporter une précision souhaitable, confirmant l’illégalité des menaces selon les lois en vigueur. Cette illégalité devrait également être déclarée dans le préambule ».

Burroughs a également remarqué que c’est la menace d’utiliser des armes nucléaires qui constitue la raison principale de leur possession, et non l’utilisation d’armes nucléaires puisqu’elles n’ont pas été utilisées en temps de guerre depuis 1945. En ce sens, « L’ajout d’une interdiction expresse de la menace d’utiliser des armes nucléaires, et si cela est jugé opportun, de doctrines de sécurité permettant l’utilisation d’armes nucléaires, permettrait de faire progresser la réalisation d’un désarmement nucléaire complet ».

Le Commandant Robert Green (Royal Navy, ret.) a appuyé M. Burroughs sur le besoin d’inclure une interdiction de la menace d’utiliser des armes nucléaires dans le traité.

« La dissuasion nucléaire, loin de garantir la sécurité, favorise l’insécurité en stimulant l’hostilité, le manque de confiance, la course aux armes nucléaires et leur prolifération. De plus, à cause de ces réalités et de l’insoluble problème de crédibilité, elle est grandement susceptible d’échouer. Quant à la dissuasion nucléaire élargie, loin de procurer un soi-disant ‘parapluie nucléaire’ pour les alliés des Etats-Unis non dotés de l’arme nucléaire, elle agit comme un ‘paratonnerre’ attirant sur eux l’insécurité, parce que tout usage d’armes nucléaires par les Etats-Unis pour leur compte dégénèrerait inévitablement en une guerre nucléaire totale… la dissuasion nucléaire est une vaste extorsion de fonds en échange d’une protection par un syndicat de crime organisé dirigé par les Etats-Unis, qui l’utilise comme une fausse monnaie de pouvoir, et dont le principal bénéficiaire est le complexe militaro-industriel ».

« C’est pourquoi le traité d’interdiction doit interdire la menace d’utiliser, et inclure une explication de ce que cela signifie… Le fait que le sous-marin britannique Trident actuellement déployé est décrit comme une ‘patrouille de dissuasion’, malgré un préavis de faire feu sans cible désignée, confirme ce besoin.”

La lettre des juristes demande également la mise en œuvre de mesures bien connues pour réduire les dangers du nucléaire et faciliter le désarmement nucléaire, notamment mettre fin au partage nucléaire, aux termes duquel la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Turquie hébergent des bombes nucléaires américaines, et la ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires par les états qui s’y refusent, notamment la Chine, l’Inde, le Pakistan et les Etats-Unis, pour le faire entrer en vigueur.

L’intérêt de cette lettre s’étend au-delà des négociations actuelles, et IALANA gardera la lettre ouverte pour permettre sa signature par d’autres membres de la communauté juridique. Vous pouvez la signer sur https://www.ialana.info/lawyers-letter/.